Accident du travail après un déjeuner pris à la maison
Une travailleuse qui, exceptionnellement, était rentrée déjeuner chez elle est victime d’un accident en retournant à son travail. S’agit-il d’un accident survenu sur le chemin du travail ou non ? Telle est la question qui a été soumise à la Cour du travail de Mons.
Les faits
Une travailleuse décide de rentrer déjeuner chez elle. Ce n’est pas son habitude, mais elle veut profiter de l’occasion pour aller chercher une prescription médicale remise ce matin-là à son époux par le médecin généraliste. Sur le chemin du retour, elle fait une chute à vélo. Son employeur ne considère pas cet accident comme un accident du travail, en raison du fait qu’elle est rentrée chez elle pendant la pause déjeuner et que l’accident s’est produit dans le cadre d’un retour à la maison pour des raisons personnelles (et non liées au travail).Point de vue du tribunal

Le tribunal du travail a estimé que les faits ne pouvaient s’examiner sous l’angle d’un « accident survenu sur le chemin du travail » puisque la travailleuse avait déjà parcouru ce trajet le matin pour se rendre à son travail (domicile-lieu de travail), mais sous l’angle d’un accident du travail survenu pendant une période de repos.
Pour qu’il soit question d’accident du travail, la travailleuse doit se trouver sous l’autorité de son employeur. Le juge estimait cependant qu’au moment de l’accident, l’activité de la victime était tout à fait étrangère à l’exercice de ses fonctions et qu’elle était par ailleurs très éloignée de son lieu de travail. Le tribunal a donc considéré qu’elle ne pouvait se trouver sous l’autorité de son employeur et qu’il n’était donc pas question d’un accident du travail.
Point de vue de la Cour
Ce jugement a été cassé en appel par la Cour du travail. La Cour estimait qu’il y avait bien eu « accident sur le chemin du travail » au sens de l’article 8 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail dans le secteur privé. Au sens de cet article, le chemin du travail s’entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail, et inversement.Raisonnement de la Cour
La distinction entre un accident du travail et un accident sur le chemin du travail s’opère à partir de la constatation de l’existence ou de l’absence d’autorité de l’employeur au moment de l’accident. Lorsque le travailleur ne se trouve pas (ou plus) sous l’autorité effective ou virtuelle de l’employeur, il n’y a pas accident du travail, mais accident sur le chemin du travail.
Un accident survenu au travailleur pendant une pause ou un temps de repos est un accident du travail lorsque le travailleur passe cette pause ou ce temps de repos sur le lieu même du travail ou dans les environs immédiats, à moins que l’accident ne soit la conséquence d’occupations personnelles étrangères à un emploi normal du temps de repos. Le travailleur demeure en effet dans ce cas sous l’autorité de l’employeur.
Accident sur le chemin du travail
La Cour constate qu’au moment de l’accident, la travailleuse ne se trouvait pas sur son lieu de travail et ne se trouvait plus sous l’autorité de son employeur. Il ne peut donc s’agir d’un accident du travail. Toutefois, aux termes de l’article 8, §2, 1° de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, le trajet parcouru du lieu du travail vers le lieu où le travailleur prend ou se procure son repas et inversement est assimilé au chemin du travail.
Le lieu où le travailleur prend ses repas peut être sa résidence si les circonstances de lieu et de temps le permettent. Dans le cas examiné ici, la Cour constate que la victime avait pris une pause déjeuner de 2 h 15.
Certes, la travailleuse est rentrée chez elle pendant son temps de repos pour aller chercher une prescription médicale, mais elle y a également déjeuné. La Cour estime, par conséquent, que le fait que le choix de la travailleuse de déjeuner chez elle ait principalement été guidé par la nécessité d’aller chercher une prescription n’empêche pas l’application de la loi. Il ne peut, par ailleurs, être contesté qu’au moment de l’accident, la travailleuse se trouvait sur le trajet normal entre son domicile et son lieu de travail.
Conclusion
Pour la Cour du travail, le chemin du travail peut être parcouru deux fois : non seulement en début et en fin de journée de travail, mais aussi pendant la pause déjeuner. Les juges se sont, en outre, aussi penchés sur la question de l’exercice de l’autorité de l’employeur pendant les temps de repos. Alors que le premier juge estimait que la travailleuse avait quitté son lieu de travail pour des raisons personnelles et ne se trouvait donc plus sous l’autorité de son employeur, le deuxième juge a examiné la question sous l’angle de l’emploi « normal » de la pause déjeuner. La Cour considérait en effet que la travailleuse avait fait un usage normal de son temps de repos puisque son horaire flottant lui donnait le temps et la liberté de choisir l’endroit où prendre son déjeuner. La raison pour laquelle la travailleuse a choisi de prendre son déjeuner chez elle n’a pas été jugée pertinente par la Cour.
Source : Terra Laboris asbl, Arrêt de la Cour du travail de Mons du 9 juillet 2014.
Date : 03/2015




